Introduction :

 

Depuis tout temps, les gens considèrent qu’il est important d’avoir de l’argent à portée de main, afin de pouvoir acheter ce dont ils ont besoin et effectuer des transactions occasionnelles. Comme le dit Rav Its’hak dans la Gemara (Baba Métsi’a 42) : Une personne doit toujours diviser son argent en trois parties. Un tiers qu’il placera dans des biens immobiliers, un tiers dans des affaires et un tiers qu’il gardera sous sa main.

Au cours des dernières générations, la majorité des gens ne gardent plus leur argent chez eux, mais le déposent dans une banque [1]. Presque chaque personne a au moins un compte bancaire, et la plupart de l’argent de chacun passe par la banque. En outre, la majeure partie de l’activité monétaire entre les personnes est réalisée par virement bancaire. Le paiement aux établissements d’enseignement, aux autorités et à de nombreux organismes institutionnels se fait par le biais de virements bancaires permanents. Jusqu’à ce qu’il soit possible de dire que la majorité de l’utilisation de l’argent ne se fait plus en espèces de main en main, mais avec de l’argent se trouvant en banque, lorsque les paiements sont effectués par l’utilisation de cartes de crédit, par chèques ou par virements bancaires.

En plus de cela, l’année dernière, la loi sur les espèces est entrée en vigueur, interdisant le transfert de grosses sommes d’argent de main à main. Cette loi, en plus de réduire l’utilisation de l’argent liquide, a amené les dernières personnes qui utilisaient encore l’argent liquide à transférer une grande partie de leurs activités financières par l’intermédiaire de la banque. Désormais on achète et vend, on prête et rembourse, on transfère et on reçoit des fonds, uniquement par l’intermédiaire de la banque.

 

 

Présentation de la question :

 

Ces changements et transformations nous obligent à analyser comment l’argent déposé dans une banque est défini selon la Hala’ha. Est-ce qu’il est défini comme un dépôt, et donc dans la possession du déposant, comme justement son nom l’indique c’est un ” dépôt “. Ou sa définition hala’hique est un prêt et n’est donc pas en la possession du titulaire du compte, puisque la banque utilise l’argent comme elle le souhaite, l’échange et le prête à d’autres, et la banque ne rend pas le même argent qui a été déposé auprès d’elle.

 

 

De nombreuses conséquences découlent de ces deux hypothèses. Nous présentons deux sujets à vérifier.

 

Sujet 1 :

L’héritage du premier-né, car il est connu que le premier-né ne prend pas de part double sur les biens qui sont censés venir plus tard (Raouy), mais seulement sur ce qui est dans la possession du défunt actuellement (Mou’hzak) [2]. De même que le mari n’hérite pas de sa femme sur les biens à venir mais seulement sur ce qui est en sa possession au moment du décès [3]. Une créance est définie comme “Raouy” (de l’argent qui doit venir) et l’aîné ne reçoit pas double part du crédit de son père qui est entre les mains d’autrui. Par contre, un dépôt est défini comme “Mou’hzak” (argent en possession actuellement) et l’aîné hérite double part des dépôts que son père a laissé dans les mains d’autres personnes. Si on applique ces notions à notre sujet, on dira qu’une personne qui est décédée et a laissé de l’argent dans un compte bancaire, si l’argent déposé à la banque est défini comme un dépôt, l’aîné prendra double part de cet argent, mais si l’argent déposé à la banque est défini comme un prêt, il est donc seulement “Raouy” et l’aîné ne prendra pas double part. Il en est de même pour le mari qui n’héritera pas cet argent de sa femme.

Sujet 2 :

La responsabilité de la banque sur l’argent déposé dans ses comptes. Il est connu qu’un l’emprunteur est responsable de l’argent prêté et n’est pas dispensé de le restituer même s’il a été perdu par cas de force majeure. Par contre, la personne chez qui a été déposé un dépôt à garder n’est pas responsable de la perte de cet argent perdu dans un cas de force majeure, même si le gardien reçoit sur cette garde un salaire. Si on applique ces notions à notre sujet, on dira qu’une banque qui a perdu dans un cas de force majeure complet des fonds déposés entre ses mains, si l’argent déposé à la banque est un prêt, la banque doit le restituer. Cependant, si l’argent déposé à la banque est un dépôt, alors en cas de force majeure, ils seront dispensés de restituer l’argent aux déposants.[4]

 

 

1 –

Les différentes opinions des décisionnaires concernant la part d’héritage du premier-né sur les fonds déposés à la banque

En ce qui concerne la double part d’héritage du premier-né sur l’argent déposé à la banque, on peut constater une grande discussion entre les décisionnaires. La base de la discussion est de savoir si l’argent déposé à la banque est considéré comme “Raouy” et donc le premier-né n’héritera pas de cet argent, ou est-il considéré comme “Mou’hzak” et le premier-né recevra la double part.

L’opinion des premiers décisionnaires (Chout Ginat Vradim[5], Chout Cheelat Yabetz[6], Chout Haim Chaal[7] et d’autres) est, que l’argent déposé à la banque est considéré comme “Raouy” et donc l’aîné ne prendra pas double part . Malgré le fait que l’argent déposé à la banque soit en sécurité et qu’il n’y a aucune crainte que la banque ne restitue pas l’argent, c’est tout de même défini comme un prêt et nos sages n’ont pas fait de différence entre les différentes formes de prêt.

Parmi les décisionnaires contemporains, nous trouvons que les avis sont discutés. Le livre de responsa “Yabi’a Omer (‘חלק ח’ חו”מ סימן ח) rapporte les paroles des premiers décisionnaires qui ont écrit que l’argent déposé dans une banque est jugé comme “Raouy” et il tranche comme cette démarche que l’aîné ne prendra pas double part. Le “Igrot Moché” (אהע”ז חלק א’ סימן ק”ד) aussi tranche la Hala’ha ainsi.

Le Chout Chévet Halévi (חלק ד’ סימן רט”ו) écrit également, que l’argent déposé à la banque est considéré comme un prêt et donc “Raouy” et que l’aîné ne reçoit pas double part. Même dans le cas où l’argent a été déposé à la banque avec “le permis de transaction” (Heter ‘Iska) qui vient définir les dépôts en banque comme demi-prêt et demi-dépôt. Le Chévet Halévi écrit qu’il a du mal à dire que la partie demi-dépôt soit considérée comme “Mou’hzak”. Et cela puisque chacun sait que dans les transactions d’aujourd’hui, comme le perçoivent les décisionnaires, même la moitié dépôt ne sera pas restituée en nature, et la banque la retire et la remplace à sa guise. On ne peut pas considérer cet argent comme la notion évoquée dans la Guemara : “la rivière que leur père leur a léguée”. Il y a donc lieu de douter et dire que ce dépôt s’appelle “Raouy” et il sera donc difficile de soutirer cet argent des autres héritiers.

Dans cette même approche on retrouvera encore bons nombres de décisionnaires. Ainsi pense aussi le Pit’hé ‘Hochèn (הלכות ירושה פ”ב סעיף ל”ו) ; Rav Yits’hak zilberchtein au nom de son beau-père le Rav éliachiv; ainsi que le Rav Barouch Chraga Chlita (במאמרו בקובץ שערי צדק חלק ז´).

D’autre part, le livre de responsa Choné Hala’hot (חלק י”ב סימן תל”ח כתב), écrit que l’argent déposé dans une banque de dépôt est défini comme “Mou’hzak” et non comme “Raouy”. Bien que la banque utilise l’argent déposé en sa possession et restitue un autre l’argent, l’argent a quand même un statut de dépôt, puisqu’il est interdit à la banque de le retirer, sauf de telle sorte que chaque fois que les propriétaires viennent le réclamer, ils le restitueront immédiatement. Et de plus, la banque a la même somme que cet argent qui est obligatoirement placé à la banque centrale. L’argent est donc déposé sans aucun manque de garantie. Dès que le déposant demandera le dépôt, ils le lui rendront. Ainsi est aussi écrit dans le livre de responsa Min’hat Acher (חלק א’ סימן ק”ט) que l’argent déposé à la banque est défini comme un dépôt et l’aîné pourra prendre double part.

Le livre Torah Temima écrit également (דברים כ”א אות קכ”ו) en ces termes :” les chèques et les banques sont appelés avoirs réels, après que leur échange contre de l’argent est une chose commune et habituelle partout et à tous temps, et à mon avis, cela est une évidence indiscutable”. C’est aussi ce qu’écrit le Chout Tvouat Chamech (חלק ד’ חו”מ סימן א’).

 

 

2 –

Analyse du statut de l’argent déposé en banque dans la réalité d’aujourd’hui

 

Des paroles des décisionnaires, il en ressort qu’ils font dépendre la loi de l’héritage du premier-né sur l’argent déposé à la banque, dans la question de savoir si l’argent déposé à la banque est un dépôt ou un prêt. Puisque si l’argent est défini comme un dépôt, alors il est “Mou’hzak”, mais si l’argent est défini comme un prêt entre les mains de la banque, alors il sera “Raouy”.

Avant de discuter du statut hala’hique de l’argent déposé en banque, nous devons examiner en pratique quels sont les droits de la banque et les droits du déposant en ce qui concerne l’argent déposé à la banque de nos jours.

En ce qui concerne les fonds déposés sur le compte courant, malgré l’utilisation du mot dépôt comme il est d’usage de dire « déposer » de l’argent à la banque, il ne fait aucun doute que la banque est autorisée à utiliser et effectivement utilise les fonds que les gens déposent sur les comptes courants. Il est également clair que lorsque le déposant récupère son argent à la banque, il reçoit un autre argent et non l’argent qu’il a déposé entre les mains de la banque. D’autre part, il est clair pour tout le monde que déposer de l’argent sur le compte courant à la banque donne au déposant un droit immédiat de retirer et de percevoir un montant identique au montant qu’il a déposé à tout moment qu’il désire.

Il faut aussi savoir que contrairement à ce qu’écrit le Chout Michné Hala’hot [8], et contrairement à ce que l’on pense communément, la banque n’a pas la capacité de mettre à la disposition de tous les titulaires de comptes courants leur argent en même temps. La banque utilise la majorité de tous les fonds déposés auprès d’elle, en supposant que tous les titulaires de compte ne retireront pas leur argent ensemble. Afin de protéger les titulaires de compte, chaque pays met en place un organisme de surveillance des banques qui oblige les banques à fixer un “ratio de réserve”, c’est-à-dire qu’ils doivent garder de l’argent liquide à la disposition de la banque à un certain pourcentage du montant total déposé auprès d’eux dans les comptes courants de la banque. Dans l’État d’Israël, la banque d’Israël a fixé le ratio de réserve comme suit, pour les dépôts dans des comptes courants et les dépôts fermés depuis moins d’une semaine – 6%. Pour les dépôts fermés depuis plus d’une semaine et jusqu’à un an – 3%. Pour les dépôts fermés depuis plus d’un an, il n’y a aucune exigence de liquidité du tout.

Nous pouvons donc constater qu’en termes de réalité, le statut de l’argent déposé à la banque ne correspond pas au statut d’un dépôt ni au statut d’un prêt. L’argent déposé à la banque a des propriétés composées. D’une part il s’agit d’un prêt à la banque à toutes fins utiles, d’autre part il est disponible pour que le titulaire du compte puisse le récupérer à tout moment. Ce produit hybride nous amène à la question de savoir comment l’argent déposé à la banque est défini d’un point de vue hala’hique, s’agit-il d’un dépôt ou d’un prêt.

 

 

L’argent déposé à la banque est statué par la Hala’ha comme un prêt

 

À la lumière de ce qui a été expliqué que la banque a le droit d’utiliser les fonds déposés auprès d’elle comme elle l’entend, et à la lumière du fait que la banque ne détient pas l’argent des déposants entre ses mains, mais les dépense et les échange comme elle le souhaite. Il semble clair que les fonds déposés dans une banque ne peuvent pas être qualifiés de dépôt, il ne fait aucun doute que les fonds déposés dans une banque sont considérés comme un prêt à toutes fins utiles.

Étant donné que la caractéristique de base qui définit l’argent comme un dépôt est l’obligation du gardien de conserver l’argent du déposant tel qu’il est sans l’utiliser et sans dépenser l’argent du dépôt pour ses besoins, comme l’explique la Michna (Baba Métsia 43), à la différence de la caractéristique de l’argent accordé sous la forme d’un prêt pouvant être contracté par l’emprunteur, comme l’indique la Guemara dans plusieurs endroits, “un prêt est fait pour être dépensé”.

Cette nuance est expliquée dans plusieurs endroits chez les Richonim, je citerai ici seulement les paroles de Ramban (ב”מ דף מ”ג) qui parle d’une personne qui donne de l’argent à son ami et de comment le définir, comme un dépôt ou un prêt, et il écrit : puisqu’il lui a donné cet argent avec l’intention de le dépenser et lui aussi la prit avec cette intention, c’est donc un prêt.

Bien qu’il existe une situation dans laquelle le déposant autorise le dépositaire de l’argent à utiliser l’argent pour l’investir ou le dépenser, et l’argent est toujours défini comme un dépôt, ce ne sera possible que lorsque le dépositaire utilise l’argent pour les besoins du déposant et lorsque les bénéfices appartiennent au déposant en totalité ou à un taux convenu entre eux [9]. Il n’y a pas de situation où le dépositaire fait de l’argent ce qu’il veut pour ses besoins et en profite uniquement pour lui-même. Une telle réalité est exactement la définition de l’argent qui est entre les mains de l’emprunteur en tant que prêt et dont l’emprunteur dépense l’argent pour ses besoins et n’assume aucune obligation quant à sa conservation, mais s’engage uniquement à restituer l’argent prêté à la date convenue entre eux. C’est précisément l’obligation de la banque, qui utilise l’argent comme elle l’entend, mais s’engage à restituer l’argent au titulaire du compte à tout moment.

 

 

3 –

L’argent de prêt étant disponible à tout moment est-il défini comme “Mou’hzak” entre les mains du prêteur

 

Comme nous l’avons expliqué, les propriétés de l’argent déposé à la banque sont comme les propriétés de l’argent donné en tant que prêt à toutes fins utiles, à l’exception d’une caractéristique que nous avons trouvée dans l’argent déposé à la banque identique à l’argent donné en tant que dépôt, à savoir la disponibilité de l’argent pour être récupérer par le propriétaire de l’argent à tout moment. Contrairement à l’argent donné sous forme de prêt pour un certain temps, où le prêteur ne peut pas prendre son argent quand il le souhaite.

Nous devons examiner si cette caractéristique, est suffisante pour changer le statut de l’argent du prêt déposé à la banque et le définir comme de l’argent de prêt “Mou’hzak” entre les mains du prêteur, contrairement à tout argent de prêt qui est défini comme “Raouy” et non “Mou’hzak” entre les mains du prêteur.

La base de notre question est de savoir qu’est-ce qui fait qu’un prêt soit considéré comme “Raouy” et pas comme “Mou’hzak”, est-ce le fait que l’argent du prêt n’est pas dans la possession du prêteur et n’est pas considéré comme son argent, puisque l’emprunteur les utilise et les dépense avec la permission du prêteur, et maintenant il n’y a sous la main du prêteur que l’engagement de l’emprunteur envers lui. Ou est-ce le manque de disponibilité de l’argent et le fait qu’il y a encore l’étape de l’encaissement de l’argent par le prêteur qui fait que l’argent du prêteur est considéré comme “Raouy” et non “Mou’hzak”.

Parce que si l’on dit que le manque de disponibilité de l’argent envers le prêteur est la raison pour laquelle l’argent du prêteur serait défini comme “Raouy”. Après tout, les fonds déposés à la banque, qui sont des fonds de prêt qui sont présents et disponibles pour être récupérés à tout moment, seront considérés comme “Mou’hzak” par le prêteur bien qu’ils soient définis comme des fonds de prêt.[10]

 

 

L’argent de prêt disponible à être récupéré à tout moment est défini comme “Mou’hzak” entre les mains du prêteur

 

Il me semble que l’on peut prouver des enseignements des décisionnaires dans plusieurs endroits, que le fait qu’il manque encore l’encaissement de l’argent est ce qui fait que l’argent du prêteur est considéré comme “raouy” et non comme “Mou’hzak”, et pas le fait que cet argent n’est pas sous la propriété du prêteur.

On peut prouver cela des paroles du “Tour” et du Choul’han ‘Arou’h (חו”מ סימן רע”ח סעיף ז´), qui disent que si le père a un gage sur son prêt, le père est considéré comme étant “Mou’hzak” dans l’argent du prêt et l’aîné prendra deux parts. On pourrait s’étonner, à quoi sert le gage, après tout, l’argent du prêt n’appartient pas au père qui est le prêteur même s’il a un gage sous la main, pourquoi alors le père est-il considéré comme “Mou’hzak” sur l’argent du prêt. C’est forcément parce que la raison pour laquelle le prêteur n’est pas “Mou’hzak” est du fait qu’il doit encore réclamer et encaisser l’argent, donc dans une situation où le prêteur a un gage sous la main, on pourra considérer que l’encaissement ne fait pas obstacle et il sera considéré “Mou’hzak” dans l’argent de son emprunt. Il me semble que c’est aussi l’avis du Sma’ qui écrit explicitement (שם ס”ק כ’) que bien que lorsque l’emprunteur a donné au prêteur un gage en dehors du moment de l’emprunt, on ne considéra pas le prêteur comme ayant une possession dans le gage, mais puisque Rav Its’hak apprend du verset “Et ce sera pour toi de la Tsedaka” que même si le gage a été donné en dehors du moment de l’emprunt, le prêteur a une possession dans le gage, c’est pour cela que lorsque le gage a été donné au moment de l’emprunt, puisqu’il détient entre ses mains le gage, on considère l’emprunt comme déjà encaissé et présent entre les mains du père, suffisamment pour que le premier-né puisse prendre double part..[11]

Ainsi aussi il apparaît dans les paroles du Sma’ (חו”מ סימן רע”ח ס”ק י”ז) lorsqu’il explique pourquoi un prêteur avec un contrat (Chtar) est également considéré comme “Raouy”.  Le Sma’ écrit en ces termes : tant qu’il manque encore l’étape de l’encaissement, le prêt sera considéré comme “Raouy”.  On voit donc, que le manque d’encaissement est celui qui crée le statut de ‘Raouy” et non “Mou’hzak”. Par contre, si le prêt est disponible et peut être encaissé sans délai, le prêteur sera considéré comme étant “Mou’hzak” dans l’argent.[12]

On peut prouver aussi du Ktsot Ha’hochèn (סימן רע”ח ס”ק י’) qu’il pense comme nous avons dit. Il écrit à propos d’une personne qui a juré de donner un certain objet en cadeau à son ami, et le destinataire meurt avant de recevoir le cadeau. Est-ce qu’on considérera ce cadeau comme “Raouy” par rapport à l’ainé des enfants, puisque le cadeau n’est pas encore arrivé entre les mains du défunt et le fait de jurer ne lui acquiert pas le cadeau, ou va-t-on considéré ce cadeau comme “Mou’hzak” puisque le donneur a juré et ne peut donc pas se rétracter. Et le ktsot Ha’hochèn prouve de Tossefot (ב”ב קכ”ג) qui parle à propos d’un Cohen qui est attend des ‘dons de Cohen’ (Matanot Kehouna) de quelqu’un qui a l’habitude de lui donner ses ‘dons de Cohen’, et dit que le destinataire est considéré comme étant “Mou’hzak” dans ces ‘dons de Cohen’ avant même de les avoir reçus. De cela, le Ktsot Ha’hochèn prouve que même lorsqu’une personne jure de faire un cadeau à son ami, le destinataire sera considéré comme “Mou’hzak” avant même de recevoir le cadeau.

Il ressort des paroles du Ktsot Ha’hochèn que dans toute situation où le destinataire est censé recevoir un cadeau ou des ‘dons de Cohen’, etc. et qu’il y a une raison qui empêche le donateur de se retirer, le destinataire sera considéré comme “Mou’hzak” même si le destinataire n’a pas encore de propriété dans le don. Logiquement, dans notre sujet, raison de plus qu’il en sera ainsi. La banque qui est l’emprunteur est obligée de restituer l’argent du prêt à tout moment, et le titulaire du compte sera donc sûrement considéré comme étant “Mou’hzak” dans l’argent du prêt, même s’il ne possède pas l’argent actuellement.[13]

 

 

4 –

Différence entre les fonds déposés dans des comptes fermés et les fonds déposés dans des comptes courants

À la lumière de ce que nous avons vu, il ressort que la somme d’argent déposée à la banque n’est pas un dépôt mais un prêt. Cependant, malgré cela, le simple fait que l’argent soit disponible à tout moment donne au titulaire du compte le statut de “Mou’hzak” dans l’argent, contrairement à l’argent d’un prêt qui est défini comme “Raouy” pour le prêteur en raison du fait qu’il manque encore l’encaissement.

Par conséquent, il semble que puisque cette nuance est basée sur la réalité de la disponibilité des fonds en banque pour être retiré par les titulaires de compte, alors une différence claire doit être faite entre les types de comptes bancaires. C’est-à-dire que tout ce que nous avons dit que les fonds en banque sont considérés comme étant “Mou’hzak” par le titulaire du compte, n’est valable que pour les fonds déposés dans le compte courant, ou dans d’autres dépôts disponibles au retrait, c’est-à-dire, que le titulaire du compte peut retirer son argent à tout moment donné et cela n’est soumis à l’accord d’aucune personne. Cependant, les fonds déposés dans des comptes définis à l’avance comme fermés pendant un certain temps, tels que les dépôts rapportant des intérêts, ou les différentes sortes de comptes épargne, ne sont pas considérés comme “Mou’hzak” par le titulaire du compte, mais comme “Raouy”. Même si le titulaire du compte a la possibilité de demander à la banque l’autorisation de retirer les fonds, et même si les conditions du dépôt lui permettent sous réserve de recevoir la permission de la banque de retirer les fonds sans pénalité. Dans la mesure où il y a besoin de la confirmation d’un fonctionnaire et de l’approbation de la banque pour rompre le dépôt et retirer l’argent, on considéra cette situation comme manquant l’étape de l’encaissement, puisque son argent n’est pas disponible pour le retrait à tout moment, puisqu’il faut encore recevoir l’approbation de la banque, donc un tel argent est considéré comme “Raouy” et l’aîné ne prendra pas double part.

 

 

L’argent déposé à la banque dans des dépôts fermés est considéré comme “Raouy”, l’argent déposé sur le compte courant est considéré comme “Mou’hzak”

 

À la lumière de ce qui précède, il semblerait que les paroles des premiers décisionnaires, le ‘Ginat Vredim’, le ‘Chéélat Yabetz’, le ‘haim Chaal’ et autres, qui ont écrit au sujet de l’argent déposé dans une banque qu’il est défini comme “Raouy”, sont tout à fait justes, puisqu’ils parlaient de déposer de l’argent dans les banques telles qu’elles fonctionnaient à leur époque. Ceux-ci étaient destinées à des dépôts dans des comptes fermés portant intérêt, et non à déposer des fonds dans un compte courant ou des dépôts pouvant être retirés à tout moment. Les banques de l’époque n’étaient pas autant développées comme aujourd’hui. La possibilité d’utiliser les fonds en banque par le biais de cartes de crédit, de virements bancaires, de virements permanents, etc. n’avait pas encore été inventée. Les guichets automatiques qui permettent à toute personne de retirer son argent à tout moment n’avaient pas encore été inventés. A l’époque, les banques n’étaient utilisées que pour déposer de l’argent durant de longues périodes, comme des dépôts portant intérêt, etc. Dans les cas où le titulaire du compte souhaitait retirer son argent, il était tenu de se présenter physiquement à la banque pour demander au banquier de recevoir son argent et le banquier lui restituait son argent dans les délais possibles. C’est pour cela que ces décisionnaires ont écrit que les fonds déposés à la banque de cette manière sont jugés comme “Raouy” et non comme “Mou’hzak”, car en effet ces fonds sont des fonds de prêt irrécouvrables.

À la lumière de ce qui précède, il existe une différence importante et substantielle entre le dépôt de fonds sur un compte bancaire fermé pendant un temps défini et les comptes courants qui existent à notre époque, comme mentionné ci-dessus. D’après cela, on ne pourra pas apprendre de l’approche de ces décisionnaires vis-à-vis de l’argent déposé en banque pour les comptes courants qui existent de nos jours.

De plus, il semblerait que même les décisionnaires contemporains qui ont statués les fonds déposés à la banque comme étant “Raouy” en se basant sur les paroles des premiers décisionnaires susmentionnés ne parlent pas en réalité des comptes courants, mais seulement des comptes fermés où le titulaire ne peut pas retirer facilement son argent, puisqu’ils n’ont pas précisé dans leur décision hala’hique de quelle sorte de compte en banque ils parlent.

Comme nous l’avons mentionné, les comptes courants qui existent aujourd’hui sont bien différents, du fait des changements et des transformations qui ont eu lieu dans la conduite des gens en matière financière, et en raison du développement des banques et des moyens de la technologie qui permettent à chacun de retirer et de transférer son argent à tout moment, par carte, par téléphone ou ordinateur personnel etc. Aujourd’hui, le compte courant en banque est utilisé comme une sorte de porte-monnaie. Les gens préfèrent volontairement que leur argent soit déposé sur leur compte courant, tant pour des raisons de sécurité que de commodité, afin de pouvoir payer et transférer l’argent partout dans le monde par une simple pression sur un bouton.

A la lumière de ce qui précède, il apparaît sans aucun doute qu’aujourd’hui le titulaire du compte est considéré comme “Raouy” sur son argent déposé sur le compte courant, même si cet argent est défini comme un prêt entre les mains de la banque et non comme un dépôt, car, en fin de compte, il ne fait aucun doute que cet argent est considéré comme disponible et il ne manque pas l’étape de l’encaissement. Contrairement à l’argent déposé en banque sur des comptes fermés dont l’encaissement nécessite l’approbation de la banque, comme par exemple les dépôts essentiellement fermés pour un temps défini, etc. sur les comptes bancaires de ce type, les propos des décisionnaires qui ont écrit que l’argent en banque est “Raouy” doit être mis en avant.

J’étais très heureux quand j’ai trouvé dans les responsa du Rav Moché Sternbou’h Chlita (כרך א’ סימן תתנ”ב), qui écrit cette différence que nous avons mentionnée dans ces mots :” les A’haronim sont partagés sur la définition des comptes bancaires. Est-ce qu’ils sont “Raouy” ou “Mou’hzak”. Et il semble que cela dépende de la forme du dépôt, si l’argent est déposé dans un compte courant et que le titulaire peut retirer son argent lorsqu’il le désire, ce sera jugé comme un dépôt et le premier-né prendra deux parts. Cette situation est différente d’un prêt ordinaire où l’on ne considère pas l’argent comme étant entre les mains du prêteur même si la date de l’échéance est déjà arrivée. Une dette sera “Raouy”, tandis que là l’argent est comme entre les mains du titulaire et il garde tous ses droits sur son dépôt. Par contre, si le compte bancaire est défini de la sorte que le titulaire ne peut pas retirer à tout moment son argent, alors ce sera considéré comme ‘Raouy”.[14] [15]

Après avoir écrit cela, lorsque je siégeais en tant que juge au tribunal monétaire de “Hali’hot ‘Olam”, un cas de ce genre nous a été présenté. Et j’ai rapporté l’analyse mentionnée devant l’honorable juge suprême, le Rav Chmouel Pin’hassi Chlita. À ma grande joie, il me montra que j’avais eu la même analyse qu’il avait faite dans son livre Min’hat Chmouel (חלק ד’ חלק חושן משפט סימן ט”ז). Et j’étais très heureux d’avoir eu le privilège d’avoir pensé au même raisonnement. Je lui ai remis le texte que j’avais écrit sur ce sujet afin qu’il me dise son avis. Le Rav a passé en revue toute notre analyse et a approuvé la justesse de notre approche.

 

 

5 –

La responsabilité des banques envers les fonds déposés en leur possession selon la Hala’ha

 

De là, nous aborderons la deuxième question que nous avons présentée au début de l’article, quel est le niveau de responsabilité des banques envers les fonds déposés en leur possession. Est-ce que leur responsabilité est la même qu’un emprunteur qui doit restituer les fonds au prêteur dans tous les cas même s’ils ont été perdus en cas de force majeure, ou est-ce que la responsabilité des banques est comme une personne chez qui on a déposé de l’argent à garder, lequel même s’il est rénuméré pour sa garde ne sera pas responsable de la perte survenue en cas de force majeure.

Comme nous l’avons expliqué dans nos propos et dans les propos des décisionnaires que nous avons cités, il ressort que d’après tous les avis [16] l’argent déposé à la banque est considéré comme de l’argent prêté entre les mains des banques. Puisqu’il en est ainsi, la banque est responsable des fonds déposés dans ses comptes et doit les restituer aux déposants même en cas de force majeure.

Cependant, il nous reste à vérifier si, en vertu de ce que nous avons vu que les fonds des comptes courants sont définis comme des fonds de prêt entre les mains de l’emprunteur, prêts à être rendus au prêteur. Est-ce que cela dispensera la banque de les restituer en cas de vol ou de perte, puisque le Choul’han ‘Arou’h écrit (חו”מ סימן ק”כ סעיף ב’), que si un emprunteur dit au prêteur, voici votre argent est déposé dans ma maison, venez prendre vos pièces, et le prêteur refuse de les prendre, et elles sont volées ou perdues, l’emprunteur sera dispensé de dédommager le prêteur.

Cependant, cela n’est pas le cas dans notre situation. Car comme cela a déjà été expliqué dans le Choul’han ‘Arou’h sur place, cette loi n’appartient qu’au cas où l’argent est déjà prêt et déposé chez l’emprunteur pour rembourser au prêteur, comme l’explique le Sma’ et le Cha’h sur place. Le Cha’h écrit plus que ça encore, que l’emprunteur doit préciser au prêteur “ton argent est prêt et déposé chez moi”. Et puisque nous avons vu que l’argent déposé dans un compte courant ne peut pas être complètement considéré comme présent devant nous, puisque les banques ne peuvent pas rendre à tous leurs clients l’argent qu’ils ont déposé. La banque laisse en liquide seulement une somme proportionnelle à 6% de la somme des fonds déposés en leur possession dans les comptes courants. Il ne fait aucun doute qu’on ne statuera pas l’argent en dépôt comme étant en liasse, prêts à toute heure à être restitués aux titulaires de compte. C’est pour cela qu’il est clair que du point de vue de la Hala’ha, les banques sont responsables des fonds déposés en leur possession. L’entière responsabilité incombe sur eux comme des emprunteurs ordinaux. Et donc même en cas de perte due à un cas de force majeure, ils devront restituer l’argent aux déposants.

Après cela, j’ai vu que le Richon Létsion Rav Morde’hai Eliyahou zatsal, dans son article “La responsabilité de la banque envers les clients après le vol des coffres-forts” ( הודפס בקובץ שערי צדק חלק ד’) écrit qu’il n’y a nul doute que les fonds déposés à la banque sont régis par la loi comme un emprunt et non par la loi du dépositaire d’un dépôt. C’est pour cela que si la banque a perdu les fonds déposés chez elle, même en cas de force majeure complet, elle doit les restituer.

 

 

6 –

Ce qui découle de cet article :

 

  • L’argent déposé à la banque n’est pas statué comme un dépôt mais comme un prêt. Par conséquent, la banque est responsable des fonds déposés auprès d’elle, et même si elle les a perdus par un cas de force majeure, la banque devra les restituer.
  • Des fonds déposés à la banque dans des dépôts fermés ou des épargnes, qui nécessitent l’approbation de la banque afin de pouvoir les retirer, sont définis comme “Raouy” et le premier-né n’en héritera pas deux parts, et le mari n’héritera pas de sa femme.
  • Les fonds déposés à la banque dans des comptes courants ou dans des dépôts pouvant être retirés à tout moment sans avoir besoin de l’approbation de la banque, même si ces fonds sont également statués comme des prêts entre les mains de la banque, puisqu’il ne nécessite pas d’étape supplémentaire d’encaissement, le titulaire du compte est considéré comme “Mou’hzak” sur eux et donc l’aîné en hérite deux parts, et le mari héritera de sa femme.

 

 

Références

 

 

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